L’artiste dans le Creux de la Vague

Le creux de la vague de l’artiste, aussi connu sous les termes “fond du trou”, on a l’impression qu’il n’en finira jamais: que c’est la fin et qu’autant arrêter de s’acharner dans ce métier.

Et c’est donc généralement là qu’on est les plus susceptibles d’arrêter l’exercice de notre art, et de passer à autre chose (Tatou velu, me voilà.)

Quand on entend parler de “persévérance”, et qu’on est dans une phase d'enthousiasme et d’inspiration, on se dit qu’évidemment on va persévérer. Parce qu’à ce moment-là, c’est facile: on est en plein extase artistique, on n’est pas au fond du trou, confronté.e à nos pensées les plus décourageantes.

C’est donc quand on est dans le creux de la vague qu’on peut apprendre cette persévérance, en accueillant cet état transitoire et en en tirant le meilleur: une connaissance de soi en profondeur, et une meilleure gestion de nos émotions… Particulièrement utile lorsqu'on est artiste!

Tout d’abord, voici à quoi ressemble le “fond du trou”:

  • Je n’y arriverai jamais

  • Tout le monde y arrive sauf moi

  • Je suis câblé.e pour échouer

  • Mon cerveau, mon passé, tout fait que je n’ai aucune chance d’y arriver

  • Je devrais me contenter d’une vie barbante

  • Je n’y peux rien, c’est comme ça.

  • Je ressentirai ce découragement et cette angoisse toute ma vie…

  • Et toute ma vie c’est ce qui me fera échouer.

  • Je suis incapable de sortir de ce cercle vicieux

  • J’ai déjà tout essayé, ça suffit

  • Je suis voué.e à l’échec

  • Tout le monde y arrive sauf moi

  • Je suis maudite

  • Je ne veux plus espérer, ça me fait trop souffrir

  • Autant ne rien faire puisque tout ce que je fais ne sert à rien

  • C’était une perte de temps, d’énergie et d’argent

  • J’ai fait tous les mauvais choix, etc.

Et avec tous les sentiments nourris par ces pensées: honte, inadéquation, injustice, colère, peur, tristesse, angoisse, dépit, découragement…

Vous le savez bien: quand on est au fond du trou, on a tendance à rejeter ses émotions, à tenter de les éviter, ou à s’y complaire, en continuant de mouliner des pensées démoralisantes. 

Non pas parce qu’on tient à se faire du mal, mais parce que d’une part, c’est parfois plus confortable d’être au fond du trou que de se confronter à la réalité, et que d’autre part, on ne sait pas comment faire concrètement pour s’en sortir.

Vous avez de la chance, j’aime les processus concrets. Et j’ai été plus d’une fois dans le creux de la vague, que ce soit artistiquement ou dans ma vie en général, donc j’ai bien compris comment remonter, et aujourd’hui, je vais vous donner un procédé qui fonctionne, pour moi, comme pour mes clientes.

*Attention: bien évidemment je ne parle pas ici de dépression ou toute autre maladie de cet ordre, qui nécessitent une prise en charge médicale: je ne suis pas médecin et ce qui suit ne se veut en aucun cas un protocole médical à suivre.

Prêt.e? C’est parti! Attention, les réjouissances vont commencer…

Première étape: accueillir et intégrer ses sentiments

La première étape, lorsqu’on est dans le creux de la vague, c’est d’accueillir ce qui s’y passe. Parce que ça va vous permettre de mieux vous connaître, et donc d’en ressortir plus rapidement la prochaine fois que ça vous arrivera. Et oui: la vie c’est toujours une expérience 50% positive et 50% négative, donc le fond du trou reviendra inévitablement, alors autant s’y préparer!

Billy Elliot - Angry Dance - par l’incroyablement talentueux Elliott Hanna (Attention: ça remue…)

Accueillir ce qui se passe dans le creux de la vague, OK. Mais comment fait-on concrètement?

Voici mon processus: accueillir les sentiments qui nous accompagnent au fond du trou, ça s’apparente à de la méditation, dans le sens où vous observez vos émotions et vos pensées en pleine conscience.

Et lorsque vous observez, vous êtes depuis la place de l’observateur en plus d’être depuis la place de la personne qui fait l’expérience de ces sentiments et de ces pensées. Vous vous dédoublez.

Il y a la personne qui ressent et pense, et celle qui observe avec bienveillance.

  • Que fait la personne qui ressent et pense?

Elle est en plein dans ses sentiments, quels qu’ils soient (anxiété, injustice, colère, stress, peine, honte etc). Elle les vit pleinement (avec larmes etc si besoin). Et elle pense tout un tas de pensées telles que celles décrites ci-dessus, qui viennent nourrir et redonner de la force aux sentiments qu’elle éprouve.

  • Que fait la personne qui observe avec bienveillance?

Elle analyse avec précision les sensations physiques provoquées par les sentiments. Elle regarde où ils se situent dans le corps et comment ils se manifestent.

Par exemple: gorge serrée, douloureuse, larynx bloqué, déglutition difficile, rythme cardiaque accéléré, poitrine lourde, etc.

Elle fait des analogies, par exemple: c’est comme une pierre irrégulière, noire, qui vibre très rapidement, coincée au niveau du plexus.

Elle regarde également les pensées qui passent, elle en prend note de l'extérieur, c’est à dire qu’elle n’en pense rien: elle observe avec fascination, compassion et curiosité.

Elle a le droit d’encourager la personne qui ressent et pense aussi, par exemple: “Tu as le droit d’être triste, vas-y, va jusqu’au bout”.

Enfin, très important, elle prend conscience qu’elle est capable de maintenir cette distance d’observatrice…

Ok, mais combien de temps on fait ça?

Autant de temps qu’il faut pour que l'apaisement revienne (quelques minutes peuvent suffire). Et on recommence autant de fois qu’il le faut, jusqu’à ce qu’on soit sorti du fond du trou.

Oui je vous vois venir: vous voulez un minutage précis, une période définie. Non je ne vous donnerai rien de ce genre, parce que ça dépend évidemment de chacun.e!

Ce que je trouve plus utile de vous partager, c’est ce que j’ai observé pendant ma dernière période de creux de la vague: des pensées que je peux aujourd’hui qualifier d’irrationnelles, mais qui me semblait alors la vérité absolue: “je ne fais jamais rien de bien”, “ma vie professionnelle est un fiasco”, “je ne suis même pas capable de faire des enfants en bonne santé”, et autres réjouissances de ce genre pour appuyer bien fort là où ça faisait mal. 

Les miserables - I dreamed a dream - Anne Hathaway (Attention là aussi, préparez les mouchoirs…)

Bien évidemment, aucune pensée plus positive ne pouvait se frayer un chemin à ce moment-là: ma meilleure amie aurait pu me dire à raison “mais c’est complètement absurde de penser des choses pareilles”, je lui aurais trouvé toutes les raisons pour lesquelles j’avais raison de penser ce que je pensais, parce que je n’avais tout simplement pas encore suffisamment fait ce travail d’accueil et d’intégration des émotions pour être prête à l’entendre (Fantine, cette petite joueuse…) Je n’avais pas encore créé la distance nécessaire entre le “moi qui vit le sentiment”, et le “moi qui l’observe”.

À présent, passons à la suite!

Deuxième étape: passer du mode “par défaut” au mode intentionnel

L’étape suivante, une fois qu’on a bien pris le temps d’accueillir les sentiments et les pensées qui y sont associées, et qu’on est capable de les observer avec distance, c’est de comprendre que tout ceci correspond à des réseaux de neurones qui ont été nourris au fil du temps, et qu’il va falloir installer d’autres réseaux pour sortir de ce mécanisme.

On va commencer par imaginer ce qu’on ressentirait si on n’était pas habité.e.s par les sentiments qui nous mettent au fond trou.

Pour moi, c’était la tristesse et l’angoisse. Je me suis demandé ce que je ressentirais si je n’étais pas en train de ressentir ces sentiments.

J’ai alors imaginé ce que ce serait comme sensation jusqu’à ce que je la ressente physiquement (notre imagination est puissante, profitons-en!). Il s’agissait d’une sorte de vide: là où je ressentais quelque chose de dur, de lourd, de serré, tout à coup je ressentais de l’espace, comme un large tuyau ouvert qui laisserait circuler l’énergie. C’était pour moi l’expérience de la sérénité.

J’ai alors fait une découverte surprenante: même quand je n’étais pas au fond du trou, je ne ressentais jamais cet espace! Je ressentais constamment, au quotidien, ces sensations de tristesse et d’angoisse, de façon beaucoup moins puissante évidemment, mais je les ressentais quand-même TOUT LE TEMPS. Parce que je leur résistais constamment au lieu de les accueillir.

J’ai réalisé que je vivais tellement constamment avec ces sentiments et les sensations physiques qu’ils entraînent, que je ne me rendais même pas compte que je les ressentais; un peu comme un poisson qui n’a pas la conscience qu’il est dans l’eau parce qu’il ne connaît pas d’autre état.

Ok, ça me parle, mais alors comment je fais concrètement pour sortir du creux de la vague?

Nous y sommes justement! Car une fois que vous aurez fait ce travail de prise de conscience, le plus facile est à venir…

Troisième étape: activer ce processus de “réorientation” consciente au quotidien

Suite à ma propre prise de conscience, j’avais deux sensations précises radicalement opposées: celle correspondant à ma tristesse et à mon angoisse, et celle correspondant à la sérénité à laquelle j’aspirais.

Je me suis donc mise à être particulièrement à l’écoute de ces sensations depuis, et dès que je ressens celles correspondant à l'angoisse ou à la tristesse, je me remémore physiquement celle de la sérénité et fais en sorte de la reproduire. 

Pour cela, je me reconnecte à l’image et à la pensée qui m’avaient permis de découvrir cette sensation et de la ressentir avec précision lorsque j’étais encore au fond du trou et que je faisais ce travail d’observation. 

Au début j’avais peur de la perdre, un peu comme quand on vient de découvrir un nouvel élément de technique dans la pratique de notre art, et qu’on craint de ne plus pouvoir le retrouver. Mais avec la pratique régulière, je suis parvenue à la retrouver et à m’y connecter de plus en plus facilement et fréquemment.

Voilà donc la dernière étape concrète de ce travail sur vous-même: prendre conscience de ces sensations dans les moindres aspects de votre quotidien.

Quand vous écrivez un mail, que vous marchez dans la rue, que vous prenez une douche, que vous pratiquez votre art, que vous faites du rangement…

Prenez le temps de vous observer, de vous connecter à vos sentiments et aux sensations physiques qui en découlent, et si vous vous apercevez que vous êtes  de retour en mode “par défaut” prenez un instant pour vous reconnecter aux sentiments auxquels vous aspirez, et pour observer les pensées qui favorisent ce mode “intentionnel”.

Récapitulons donc les différentes étapes nécessaires pour sortir du creux de la vague:

  • Quand on se sent dans le creux de la vague, ou au fond du trou, s’installer régulièrement comme pour méditer, et accueillir ses sentiments, donc ne pas y réagir, ne pas les rejeter, ne pas se juger et ne pas les planquer en s'empiffrant de Nocciolata. Aussi longtemps et autant de fois que nécessaire.

  • Se dédoubler pour observer ses sentiments, les sensations physiques qu’ils provoquent, et les pensées qui les nourrissent, le tout en pleine conscience, avec bienveillance et fascination (je répète: on ne se juge pas!)

  • Une fois bien observés et décrits, trouver à ces sentiments négatifs leur équivalent neutre ou positif, en se demandant à quoi ressemblerait notre manière d’être et de faire sans ces sentiments négatifs.

  • L’imaginer jusqu’à ressentir ce sentiment positif, et décrire les sensations qu’il provoque.

  • Bien noter les différences de sensations entre les sentiments négatifs ressentis “par défaut”, et le sentiment positif ressenti intentionnellement. (Exactement comme, pour maîtriser un point technique dans notre art, il est intéressant d’aller faire l’expérience de l'extrême inverse!)

  • Dans le quotidien, vérifier régulièrement le ressenti physique et réajuster si nécessaire, en se remémorant physiquement la sensation du sentiment positif et en s’y reconnectant.

  • Constater les pensées qui nourrissent ce sentiment positif et la sensation agréable associée. En prendre note…

Lorsqu’on est au fond du trou, ou dans le creux de la vague, on a l’impression que c’est la fin, que tout est fini, qu’on a vécu le meilleur et que rien de bien n’arrivera plus jamais.

Par exemple: “j’ai eu un livre édité, c’était un coup de bol, un miracle qui n’arrivera plus jamais, la preuve c’est que j’ai reçu 45 refus pour mon second roman.”

On a l’impression d’être dans le vrai, qu’on a enfin un éclair de lucidité, et qu’on devrait tout arrêter.

La vérité c’est que ce n’est qu’une période à passer, pendant laquelle on oublie que tout ce qu’on a planté est probablement en train de germer et sur le point de percer le sol: encore invisible, mais bien présent… Et c’est dans ces périodes-là que le mot persévérance prend tout son sens.

Ce processus que je viens de vous décortiquer vous permettra de persévérer tout en prenant soin de votre bien être émotionnel pendant ces périodes de creux de la vague que nous connaissons toutes et tous… Et d’accueillir les prochains creux avec plus de sérénité!


Envie d’approfondir ce travail pour développer un mental solide ?

Inscrivez-vous gratuitement à ma Masterclass de coaching spécifiquement conçue pour les artistes:

“3 Erreurs qui Freinent votre carrière artistique”

Une Masterclass d’une quarantaine de minutes, scindée en 5 courtes vidéos pour vous aider à passer votre carrière à la vitesse supérieure.



Previous
Previous

Notre “Self-Concept” au Service de l’Art

Next
Next

Artistes et Comparaison