L’Artiste Face à la Critique

Dés lors que nous offrons notre art au monde, que ce soit en publiant un livre, en exposant notre œuvre, en jouant sur scène ou à l’écran, nous nous exposons du même coup à la critique, qu’elle soit positive ou négative.

Cette critique peut provenir de lecteurs ou de spectateurs, ou encore de critiques professionnels, rémunérés pour donner leur avis sur les performances des créateurs et interprètes.

Elle peut également provenir d’un.e collègue pendant une répétition ou d’un.e professionnel.le de notre art après une représentation, alors même que cette personne nous est totalement étrangère.

Qu’elle soit sollicitée ou non, en soit, cette critique n’est pas un problème, chacun.e est libre de penser ce qu’il souhaite du spectacle, des interprètes ou de l'œuvre découverte, et on ne pourra jamais empêcher qui que ce soit d’exprimer son opinion (même si, soulignons-le, demander le consentement de la personne à qui on tient à exprimer notre opinion est toujours une bonne idée!)

Et il existe autant d’opinions que de gens pour les exprimer. Certains aimeront, d’autres pas, certains adoreront, d’autres détesteront, et d’autres encore n’en auront pas grand chose à faire.

Parce que chacun porte un regard différent, qui lui appartient, sur l’oeuvre (et la façon dont elle est interprétée le cas échéant), et que sa perception dépend de son propre vécu, de ses goûts, de sa culture, de ses conditionnements divers, de son état émotionnel du moment, et d’une infinité d’autres paramètres qui rendent sa perception unique.

Il n’y a qu’à écouter la Tribune des critiques de disques sur France Musique pour s’apercevoir que si l’interprétation d’une oeuvre n’est pas une science exacte, la façon dont l’être humain la perçoit est encore plus aléatoire.

Ces différentes opinions exprimées ne sont donc pas un problème en elles-mêmes. C’est lorsque nous commençons, en tant qu’artistes, à donner une signification à ces opinions exprimées, que le bât blesse…

Judy Garland - “I don’t care” (Du film “In the good old summertime”)

J’ai donc souhaité, avec cet article, proposer quelques pistes aux artistes pour gérer au mieux la découverte fortuite ou intentionnelle de ces critiques…

  1. Accueillir et intégrer les émotions qui viennent

Pour accueillir et intégrer les émotions qui viennent, rien de tel que de rester avec l’émotion, la laisser vous traverser, et observer ce qui se passe en vous, comme si vous étiez double: vous êtes à la fois en train de faire l’expérience de l’émotion dans votre corps, et en train d’observer ce qui se passe en vous physiquement.

Vous pouvez également apaiser votre système nerveux en respirant profondément, en touchant votre corps avec bienveillance, en prononçant des paroles aimantes, comme vous le feriez avec un enfant qui a un gros chagrin.

Puis accordez-vous le droit absolu de vous sentir exactement comme vous vous sentez, quels que soient vos sentiments: la colère, le désarroi, la tristesse, la honte, la déception… Nommez les sentiments qui vous traversent et accordez-vous le droit absolu de les ressentir. 

Souvenez-vous que chacune des émotions qui vous traversent est toujours bienvenue, quelle qu’elle soit: il n’existe pas d’émotion à bannir de l’expérience humaine.

2. Noter ce qu’on donne comme signification à cette critique

La raison pour laquelle nous perpétuons ces émotions et les transformons en sentiments plus pérennes, c’est que nous pensons quelque chose qui nous fait nous sentir de cette manière. 

En voici un petit florilège qui vous semblera peut-être familier:

“Je suis nulle, je n’arrive à rien, ce métier est trop ingrat, ce milieu manque cruellement d’empathie, je n’y arriverai jamais, ce que je fais n’est jamais assez bien, je ferais mieux d’aller élever des tatous velus en Patagonie, je suis un échec total, ma vie artistique est un échec absolu, ma vie entière est un échec, c’est la honte, plus personne ne voudra jamais m’engager pour quoi que ce soit, ma carrière est finie, ce critique vient de briser ma carrière en trois mots, c’est abjecte, c’est totalement injuste, je suis finie, plus jamais je ne remonterai sur scène…” Et j’en passe.

Pour découvrir la signification que vous donnez à cette critique, vous pouvez vous poser cette question: Pourquoi je ressens cette colère/tristesse/honte/découragement/injustice etc.?

Vous pouvez prendre note de tout ce qui vous vient, sans vous censurer. Ensuite, vous pourrez vous relire, et constater ces pensées avec plus de distance.

En remarquant notamment tous ces superlatifs et termes extrêmes: nulle, rien, trop, cruellement, jamais, jamais assez, échec total, absolu, entière, jamais plus, pour quoi que ce soit, finie, briser, abjecte,totalement, finie, jamais plus…

Puis, demandez-vous, dans ce que vous avez écrit, ce qui est factuel, c’est à dire, ce sur quoi le monde entier pourrait s’accorder, ou ce que vous pourriez prouver devant un jury. 

Petit indice: dans la liste que j’ai créée plus haut, rien n’est factuel, parce qu’il s’agit d’interprétations d’un fait, qui serait: tel critique dans tel journal a écrit: “....”

Et faire cette distinction, ça soulage immensément. Parce qu’on se souvient alors que le monde entier ne pense pas autant de mal de nous en tant qu’artiste que ce que nous-mêmes sommes capables d’en penser: nous sommes hélas toujours nos pires critiques.

Une fois ce travail de prise de conscience effectué, vous pourrez passer à l’étape suivante, que voici…

3. Choisir son camp

Les critiques ne sont douloureuses que lorsque nous trouvons une part de vérité à la signification que nous leur donnons.

Si nous sommes convaincues d'avoir des cheveux superbes, que c'est ce que nous aimons le plus chez nous, et si quelqu'un se met à critiquer négativement nos cheveux, cela ne risquera pas de nous ébranler. 

Ce n'est donc jamais la critique négative en elle-même qui nous fait souffrir, c'est toujours ce que nous en pensons. Si une partie de nous pense qu'il y a du vrai dans cette critique alors cette pensée pourra nous faire souffrir (parce que nous sommes conditionné.e.s pour penser que l’imperfection est un problème, qu’elle fait de nous des Florence Foster Jenkins en puissance.)

Florence Foster Jenkins - Air de la Reine de la nuit (pour le plus grand plaisir de Mozart…)

Faire cette distinction est importante, parce que nous ne pouvons pas empêcher autrui de nous critiquer, à fortiori quand leur métier est d'être critique. Par contre, nous avons le choix d'en penser ce que nous voulons.

À nous donc, d’exercer ce pouvoir, en nous posant à nous-mêmes ces quelques questions: 

  • Est-ce que la personne qui me fait cette critique est une personne que j’estime suffisamment à la fois humainement et artistiquement pour “prendre” sa critique? Si oui pourquoi? Si non pourquoi?

  • En quoi ces critiques sont-elles “vraies”?

  • Pour quelles raisons ce n’est pas un problème?

  • En quoi sont-elles “fausses”?

Et, last but not least:

  • Qu’est-ce que MOI je CHOISIS de croire?

4. Évaluer sa performance

Si vous appliquez cette méthode, vous commencerez à vous positionner non plus en juge intransigeant.e de vos performances, mais en scientifique capable d’évaluer son travail avec efficacité et bienveillance. 

C’est choisir de privilégier les “datas” plutôt que notre “drama.”

Et ce sont précisément ces compétences qui permettent d’atteindre ce degré d’excellence artistique auquel nous aspirons. Parce que quand on est capable de regarder des données sans drame, on avance beaucoup plus efficacement.

Pour cela, je vous propose trois questions simples pour faire votre propre évaluation simple après chaque représentation/audition/concours:

  • Qu'est-ce qui a fonctionné?

  • Qu'est-ce qui, dans ce qui était en mon pouvoir, n'a pas fonctionné à la hauteur de mes espérances?

  • Qu'est-ce que je ferai différemment la prochaine fois?

Ainsi, si vous choisissez de lire des critiques, vous pourrez vous poser cette question:

  • En quoi mon évaluation est-elle raccord avec cette critique, et en quoi diffère-t-elle?

Vous aurez alors le recul nécessaire pour vous dire : “ça je ne suis pas d'accord.” ou bien “ça je suis d'accord, et je suis déjà en train de travailler dessus.”

Cela vous permettra de faire la paix avec vous-même: la perfection n’est pas de ce monde, et en tant qu’artiste, nous sommes en constante évolution et perfectionnement de notre art, et c’est OK.

5. Prendre de la hauteur

Voici un l’extrait d’un article du quotidien Suisse Le Temps sur Renée Fleming:

“L'année 1998 la soumet à rude épreuve: divorce, trois prises de rôle. Huée à la Scala de Milan (Lucrezia Borgia), secouée par le stress (son medium ne répond plus avec la même constance), persuadée qu'elle doit interrompre sa carrière, elle tient bon.”

«Pendant huit mois, j'ai été terrifiée à l'idée de monter sur scène. Je pensais que je n'y arriverais pas. Aujourd'hui, je suis heureuse d'avoir mis tant de temps à comprendre ma voix. Ce genre d'expérience permet d'atteindre une autre profondeur.»

Quand on est “dedans”, dans ces périodes de fond du trou qui jalonnent inévitablement toute vie humaine quelle qu’elle soit, il peut nous sembler extrêmement difficile d’en sortir.

Une méthode très efficace pour nous y aider, c’est de prendre de la hauteur: Si on avait demandé à Renée Fleming ce qu’elle penserait de cette période “noire” lorsqu’elle en serait sortie, elle nous aurait probablement gratifié de cette même exacte sagesse: “Ce genre d’expérience permet d’atteindre une autre profondeur.”

Tous en scène - Ah, quand Johnny (Taron Egerton) chante “I’m still standing” d’Elton John… ^^

Voici un petit “exercice” que vous pouvez faire pour avoir accès à cette sagesse depuis votre “fond du trou”. Imaginez que vous êtes en train d’écrire votre autobiographie après plusieurs décennies de carrière artistique, et posez-vous ces questions: 

  • En quoi cette expérience vous a-t-elle fait évoluer pour la suite de votre carrière? 

  • Quelles compétences, techniques, mentales et émotionnelles avez-vous développées pendant ce processus? 

  • Comment cette expérience s'inscrit-elle dans votre parcours du héros, de l'héroïne? 

  • Quelles épreuves avez-vous surmontées? 

  • Comment vous y êtes vous pris.e pour les surmonter? 

  • Comment tout le reste de votre carrière a-t-elle bénéficié de cette expérience?

À faire et refaire sans modération!

Mon mot d’amour pour les artistes:

Le but des pistes que je vous propose dans cet article est de développer votre indépendance émotionnelle, c’est à dire, de ne plus faire dépendre votre bien-être émotionnel de l’opinion d’autrui.

Parce que, que vous considériez cette opinion comme “positive” ou “négative”, en faire dépendre votre bien-être émotionnel en fait finalement dépendre toute votre vie. 

Vous avez lu une critique élogieuse alors vous avez la pêche et décidez d’aller passer tel concours prestigieux, ou d’appeler tel.le autre artiste pour collaborer avec… Et la semaine suivante, quelqu’un vous dit l’inverse et vous perdez le feu sacré. 

Vivre ainsi est intenable, et c’est pourtant ainsi que nous avons pris l’habitude de fonctionner depuis notre plus tendre enfance. 

Apprendre à développer cette indépendance émotionnelle, petit à petit, patiemment, est le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire, en tant qu’artiste comme en tant qu’être humain.

Les “grand.e.s” artistes n’ont pas une technique/esthétique/interprétation parfaite, la perfection n’existe pas, et la perfection pour les uns est toujours l’imperfection pour d’autres.

Ce que possède les “grand.e.s” artistes, c’est cette capacité à se relever plus fort.e.s de nouvelles compétences techniques, mentales et émotionnelles, après chaque déception, aussi douloureuse soit-elle, et à ne plus faire dépendre leurs sentiments de l’opinion d’autrui.

Plus tôt vous ferez ce travail sur vous-même, plus rapidement vous pourrez développer ces mêmes compétences, plus pleinement vous pourrez vivre votre vie artistique.

Je peux vous y aider: je suis spécialisée dans l’accompagnement des artistes. Parce que vous n’avez pas à apprendre ces compétences “à la dure”, et que vous pouvez vous autoriser à vous faciliter la tâche: je suis là pour ça.

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